Même si la théorie de la « mondialisation heureuse » d’Alain Minc a sérieusement du plomb dans l’aile, comme le montrent les sondages sur le libre-échange, ces termes restent encore porteurs de valeurs positives. Il faut dire que l’on oublie souvent que les crises aussi ont été mondialisées.
Des cales des bateaux…
C’est une remarquable image de Jacques Sapir, qu’il emploi dans « Le nouveau 21ème siècle ». Pour lui, avant la mondialisation, l’économie mondiale était comme les cales des bateaux, compartimentée par des cloisons étanches qui pouvaient être fermées à loisir. Ces cloisons pouvaient naturellement être ouvertes, ce qui permettait de transporter des choses dans la cale. Mais elles pouvaient aussi être fermées. Ainsi, une voie d’eau dans la coque pouvait être contenue.
La globalisation de l’économie mondiale, c’est un peu comme si on retirait toutes les cloisons au prétexte qu’elles ralentissent les échanges entre les différents compartiments et que, de toutes les façons, des voies d’eau très graves arrivent très peu souvent. Le problème est que nous avons connu une voie d’eau sévère en 2008, qui a bien menacé de faire couler l’ensemble de l’économie mondiale. Et aujourd’hui, il n’est pas sûr que les pompes rejettent plus d’eau qu’il n’en rentre.
En effet, il est pour le moins paradoxal que les errements du marché immobilier étasunien aient pu provoquer un tel cataclysme financier. Bien sûr, il n’a été que le révélateur des déséquilibres colossaux de la finance internationale, mais il est tout de même incroyable que les prêts NINJA (No Income No Job Application) proposés par des banques inconscientes pensant se protéger des risques par la titrisation ou en se couvrant par des CDS aient provoqué une telle crise.
Une autre raison pour la démondialisation
Dans le monde d’avant la libéralisation des mouvements de capitaux, la crise serait restée confinée aux Etats-Unis, qui auraient alors du nettoyer les errements de leur système financier, comme ils l’avaient fait avec les caisses d’épargne à la fin des années 1980 et au début des années 1990. Le reste du monde aurait sans doute fait quelques pertes mais l’étanchéité des systèmes financiers nous auraient protégés de cette crise, comme les cloisons étanches d’une cale de bateau…
Pourquoi presque personne ne souligne cet aspect de la globalisation ? La globalisation, ce n’est pas seulement la liberté de circulation des personnes, des biens et des capitaux, qui met en concurrence les travailleurs des pays développés, gagnant plus de mille euros par mois avec ceux de pays émergents qui peuvent gagner jusqu’à trente fois moins. Ce n’est pas seulement la création d’un terrain de jeu idéal pour les multinationales et la finance, au détriment des Etats.
C’est aussi un processus qui provoquer une contagion instantanée des crises sur l’ensemble de la planète. Les quelques pays qui protègent encore leurs marchés des capitaux pouvant s’en tirer un peu mieux. D’ailleurs, un papier de The Economist montre que depuis le milieu des années 1990, la globalisation a provoqué une corrélation grandissante entre les indices boursiers de la planète puisque l’indice de corrélation est passé de 0.5 à plus de 0.8, flirtant avec 0.9.
Une nouvelle raison d’aimer l’indépendance, sans verser dans l’autarcie bien sûr. Elle protège des crises extérieures et évite de faire souffrir les peuples de maux dont ils ne sont pas responsables. Mais il y a un préalable indispensable : le rétablissement de frontières, les cloisons de notre économie.
Laurent Pinsolle
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